Bienvenue Sur Daily Green! Le vendredi, toutes les deux semaines, retrouvez un cocktail d’initiatives et de solutions basées sur la nature pour répondre aux enjeux urbains, le tout dans votre boite email !
C’était mieux avant… mais avant quoi ? Cette phrase, nous l’avons tous prononcée pour couper court à une discussion ou comparer des époques. Pourtant je n’apprécie guère cette phrase car souvent elle semble appeler de nos voeux la nostalgie d’un passé fantasmé. Et souvent, ceux qui l’utilisent comme mantra n’ont que faire de regarder vers l’avenir. Ah si 🤔 …. c’était mieux avant le Rap. Et pourtant les amateurs du genre pourront facilement me contredire en affirmant qu’il y a eu beaucoup de classiques après Time Bomb et Rawkus.
En suivant l’actualité, en lisant les résumés du “grand oublié”, le dernier rapport du GIEC, on pourrait espérer que cette sentence ne devienne pas une évidence.
Alors peut-être, peut-être… on fera moins bien après, mais pour ne pas se faire coloniser par le défaitisme, voilà quelques solutions d’avenir.
On parle cette semaine d’enfants, de parents et de nature.
_Bonne lecture ! 👋
Cette semaine, j’ai le plaisir d’accueillir Adriane van der Wilk, co-Fondatrice de “Les Enfants Dehors”. Son projet de lieu de vie urbain et familial s’adresse bien sûr aux enfants en leur proposant un espace de nature et des ateliers autour de cet univers, mais aussi un espace de détente ou de travail pour les parents :
“ Moins de temps dehors que leurs grands-parents
Les Enfants des villes passeraient de moins en moins de temps à l’extérieur à jouer¹. Suite à la crise du Covid, ce temps passé à l’extérieur est même devenu encore plus court. Par manque d’espaces verts accessibles et proches des familles, à cause du temps passé devant les écrans, ou parce que les parents ont peur de laisser les enfants jouer seuls dehors, en 40 ans, les enfants des pays développés auraient en tous cas perdu jusqu’à 25% de leurs capacités cardio-vasculaires² .
Les enfants urbains ont un style de vie plutôt sédentaire et lorsqu’ils se déplacent d’un endroit à l’autre c’est rarement à pied et encore moins sans un adulte. Et cela pour plusieurs raisons : dans les villes⁴, les enfants sont en compétition avec les voitures. Les villes sont dangereuses, polluées, compliquées à naviguer, peu inclusives. La ville n’est pas conçue pour être à la hauteur des enfants³. « La croissance de l’urbanisme centré sur la voiture ces cent vingt dernières années est le facteur le plus impactant sur la perte des libertés des enfants et c’est une dimension qui est désormais construite au sein de toutes les villes ». Dans son ouvrage Urban Playground: How Child-Friendly Planning and Design Can Save Cities, le chercheur Tim Gill démontre ainsi les différences dans la mobilité des enfants de quatre générations d'une famille de Sheffield : alors qu'un enfant de 8 ans pouvait marcher 6 miles (près de 10 km) seul en 1919, son arrière-petit-fils n'était autorisé à parcourir que 300 m jusqu'au bout de sa rue en 2007 ⁵.
Des villes pensées sans les enfants
Les enfants sont encore trop peu inclus dans la prise de décision. Si beaucoup de villes ont un conseil municipal des enfants, cela reste malgré tout loin de suffire à faire entendre la voix des enfants en général. Combien de projets d'aménagement sont réalisés après avoir consulté les enfants ? Combien de décideurs pensent à prendre en compte l'usage que les enfants feront des futurs espaces publics ? Trop souvent encore, on ne pense pas (assez) aux usages des enfants et, quand on y pense, c'est pour installer une aire de jeux, un espace dédié dans la ville, à défaut de (re)penser les espaces de la ville à partir d'une autre grille de lecture.
Par ailleurs, les villes françaises manquent d’espaces de jeu. Aux Pays-Bas, les enfants se trouvent presque tous à moins de cinq minutes d’un espace de jeu extérieur. En France, certains villages ou quartier n’ont installé qu’un toboggan et une ou deux balançoires et l’innovation dans ce domaine très règlementé pourrait être plus rapide. La pression immobilière fait que certains quartiers non encore réhabilités manquent d’espaces de jeu accessibles, innovants, de taille correcte et adaptées aux enfants de chaque âge.
Dans son ouvrage La ville des enfants, publié pour la première fois en français en 2019, le chercheur, dessinateur, spécialiste de l’enfance et militant des droits des enfants Francesco Tonucci, rappelle que les villes que nous habitons sont plutôt conçues pour les citoyens les plus « forts » : les adultes productifs⁶. Dans cette essai révolutionnaire - le sous-titre en est « pour une (r)évolution urbaine », Tonucci invite décideurs et planificateurs à centrer les enfants, leurs besoins physiques, sociaux et affectifs dans toutes les décisions concernant nos actuels et futurs environnements urbains. Tonucci prévient cependant que la démarche demande de remettre en question la grande majorité des « anciens équilibres et vieux compromis ». Faire en sorte de répondre aux besoins des enfants dans la ville est donc une démarche profondément radicale, qu’ont emprunté un certain nombre de villes dans le monde, et qui représente un champ fertile pour la réflexion et l’action des collectivités, des urbanistes, de la société civile mais aussi des acteurs privés.
Gil (Guillermo) Penalosa, le fondateur de 8/80 Cities, affirme d’ailleurs que si une ville est adaptée, praticable et appréciable pour un enfant de 8 ans et une personne de 80 ans, alors elle sera bonne pour toutes et tous ⁷. A cela, on peut rajouter par ailleurs le fait que les villes à hauteur d’enfant sont plus vertes, plus propices au vivant et à la biodiversité.
Se saisir des possibles : la ville à hauteur d’enfant est une ville bonne pour tous
Cette démarche de créativité, qui consiste à recentrer les besoins des enfants dans chaque dimension de l’expérience urbaine sert donc à penser la ville à hauteur d’enfant d’une manière itérative.
On peut alors imaginer que la ville à hauteur d’enfant est une ville où l’enfant est acteur de sa mobilité, en autonomie et en sécurité, où il peut se rendre à l’école, au parc, faire du sport, jouer, avoir accès à la culture, par lui-même, en vélo, à pied, en trottinette, seul ou en groupe. Quels dispositifs pour rendre cela possible ? Des cheminements doux, indiqués par des marques au sol sur les trottoirs, des rues rendues aux enfants et aux vélos, à la biodiversité et au rythme plus lent de celles et ceux qui ont aussi besoin de parcourir la ville : petits, anciens, personnes porteuses de handicap, parents de jeunes enfants, etc.
La ville à hauteur d’enfant est aussi une ville où les enfants sont consultés, concertés, participent voire sont les meneurs, les leaders des projets les concernant et même de ceux qui ne les concernent pas uniquement, où l’enfant est toujours considéré comme citoyen à part entière comme le rappelle la Convention des droits de l’enfant (CIDE) qu’une grande majorité de pays ont ratifié (sauf deux : les États-Unis et la Somalie) ⁸. Comment faire la place aux enfants et à leurs idées parfois si étonnantes, si nouvelles, dans nos prises de décisions complexes et dans notre gouvernance ? Par des consultations dans les écoles, des balades urbaines créatives, des concours d’idées, de films, de photo et de dessins, la formations de forums et d’espaces de concertation à hauteur d’enfant dans la ville…
C’est aussi une ville plus belle, plus colorée, plus surprenante, plus amusante et jouable, où les bâtiments deviennent des espaces de jeu en eux-mêmes, toboggans, prises d’escalade sur les murs, balançoires aux arbres des rues…Où chaque administration, chaque lieu de transit ou d’attente comporte un espace de jeu et de détente pour les enfants, du plus petit enfant aux adolescents. Où les espaces de jeux sont décloisonnés, les squares ne ressemblent plus à des enclos et où l’on rend aux enfants et au vivant de larges espaces urbains. Il s’agit pour cela de s’ouvrir à l’innovation et que la société civile mais aussi le secteur de l’entreprise se saisisse de ces enjeux.
Afin que l’on se déshabitue de la ville construite uniquement pour le citoyen productif, et que tous contribuent à co-construire les villes durables et vertes à hauteur d’enfant.
En est-on capable ? Car même si cela nous apparait comme une nécessité politique, il s’agit bel et bien d’une véritable révolution : faire place aux enfants et à ce qui ne « sert » pas dans la ville - le jeu -, pour que la ville soit véritablement au service de toutes et tous.
Avec Les Enfants Dehors, le projet que nous portons consiste à s’interroger de manière créative sur ce que ce que peut signifier une ville à hauteur d’enfant. Et pour cela, nous créons un laboratoire d’expérimentation : que se passerait-il si l’on plantait des buissons comestibles à hauteur d’enfant en ville, en accès libre; si l’on concevait des cafés ouverts sur l’extérieur et servant toute la journée et toute l’année des produits locaux et sains spécifiquement pensés pour les enfants et leurs familles, à quoi ressemblerait un grand espace de jeu naturel où les enfants pourraient jouer librement dans leur quartier, courir, expérimenter, prendre des risques ?
Avec Les Enfants Dehors, nous cherchons ainsi à répondre à ces questions et à d’autres encore, comme enfin, quel impact ont de vastes espaces urbains dédiés à l’enfance et à la biodiversité sur la vie des enfants, celle de leur famille, sur les villes et sur la société toute entière ! "
_Adriane van der Wilk
Pour en savoir plus sur le travail Les Enfants Dehors ➟ rendez-vous sur le site.
🏫 Adieu Bitume dans la cour d’école : Article très intéressant de Reporterre qui soulève certaines problématiques propres à nos cours d’école. Et si cet espace n’avait pas été pensé pour les enfants, mais pour permettre aux adultes de seulement les surveiller ? D’après une étude de l’Unicef, l’égalité garçon-fille et l’occupation équilibrée de l’espace ne sont pas favorisées, les garçons investissant le terrain de foot central au détriment des filles “reléguées”tout autour. De plus en grande partie bitumé, cet espace peut vite devenir irrespirable lors des canicules. Partant de ce constat, les cours “Oasis” voient le jour, en intégrant une végétation dense, des cachettes et du relief; certains professeurs ont constaté une cour plus apaisée et une baisse de la violence entre élèves. ➟ A suivre
📚 O rapport : Si les 4000 pages du rapport du GIEC, vous font peur, je vous invite à consulter les résumés qui nous éclairent sur l’urgence climatique. Essayons de relayer ne serait-ce qu’une idée de ce rapport, qui bien souvent se trouve éclipsé par d’autres actualités. ➟ Lire un résumé
A Relire sans modération :
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