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Cette semaine, j’avais envie de vous parler d’un sujet plutôt épineux qui soulève et qui continuera à soulever de nombreuses questions. Faut-il donner un prix à la nature ?
Dans un monde où l’on aurait tendance à penser que tout s’achète et tout se vend, la nature pourrait-elle se prémunir face à une économie parfois folle ? Aussi pour la protéger, ne devrions-nous pas lui attribuer une valeur afin de la conserver dans un monde qui ne raisonne que sur cette métrique monétaire.
J’ai établi trois arguments en faveur de l’idée que l’on puisse donner un prix à la nature et trois autres catégoriquement opposés. Et vous qu’en pensez-vous ?
Mais pourquoi donner une valeur à la nature ?
Quelques raisons POUR cette idée :
La valorisation économique : si l’on attribue une valeur économique à la nature, on pourrait intégrer la conservation de l'environnement dans les décisions économiques et politiques. Cela pourrait encourager la préservation de notre environnement, tout en reconnaissant l’importance de ces services écosystémiques pour notre planète : purification de l'air et de l'eau, pollinisation des cultures, ou encore régulation du climat.
L’incitation à la conservation : on pourrait inciter les citoyens, les entreprises et les gouvernements à agir de manière plus responsable. Cela pourrait encourager l'adoption de pratiques respectueuses de l'environnement et la gestion responsables des ressources naturelles.
Le financement de la conservation : attribuer une valeur monétaire à la nature pourrait permettre de faciliter la collecte de fonds dans le cadre de projets de protection et de conservation. Ces investissements seraient financés par les pollueurs à travers de fortes taxes sur leurs activités nuisibles à la nature.
Quelques raisons CONTRE cette idée :
Incommensurabilité : tenter d’attribuer une valeur monétaire à la nature est juste impossible. Sa complexité et son impact sur tant de domaines sont très difficilement identifiables et quantifiables. Nous ne pourrions pas chiffrer par exemple l’aspect esthétique, culturel et spirituel inspiré de la nature pour les peuples.
Risque de marchandisation excessive : donner un prix à la nature, c’est ouvrir un marché où le vivant et les ressources naturelles pourraient être monnayés avec excès et sans régulation. Cela pourrait donner lieu a des tractations qui excluraient tous les aspects non quantifiables de la nature (biodiversité, continuité écologique etc.)
Inégalités sociales et environnementales : un prix à la nature donnerait lieu à une inégalité de fond. Les plus aisés d’entre nous pourraient se payer des environnements naturels et profiter des services écosystémiques (accès à l’eau par exemple). Quant à ceux qui n’en auraient pas les moyens, ils seraient largement désavantagés en termes d'accès aux bénéfices de la nature.
Selon ce très bon article de The Other Economy, en 2009, un groupe de travail présidé par Bernard Chevassus-au-Louis (écologue et biologiste) rend un rapport au gouvernement français, dans lequel sont évalués les services rendus par les écosystèmes. Les auteurs proposent, pour un hectare de forêt, une valeur moyenne de 970 euros par an. Imaginez que votre forêt devient constructible, sa destruction pour réaliser un projet immobilier rendrait négligeable sa valeur pour prétendre la protéger.
Cependant, la piste de la valeur et du prix pourrait être creusée. Prenons le cas du barème de l’arbre qui définit une valeur monétaire aux arbres en fonction de nombreux critères. Cette mesure est pour le coup intéressante, car elle permet de mieux connaître l’arbre évalué, de sensibiliser à sa place dans notre environnement, et de sanctionner en cas de négligence ou de dégradation - lors de travaux par exemple. Dans ce cas, on ne parle pas de prix, mais de valeur.
La valeur des services rendus par la nature en ville
Revenons maintenant en ville, et essayons de regarder la valeur qui est donnée au patrimoine arboré dans le comté de Manchester (Royaume-Uni) et dans la ville de Baltimore (Maryland, Etats-Unis).
Greater Manchester et ses 11 millions d’arbres
Le comté de Manchester1 estime que :
Remplacer cette richesse reviendrait pour la collectivité à 4.7 milliards de livres, soit 5,5 milliards d’euros.
Ces arbres permettent de contribuer à prévenir les inondations, en interceptant 1,6 million de mètres cubes d'eau de ruissellement par an - ce qui équivaut à 35 000 camions-citernes.
Ce patrimoine arboré capte 847 tonnes de polluants 1 644 415 m2 d’écoulement des eaux pluviales par an.
Cette végétation permet de séquestrer plus de 56 500 tonnes. Et enfin, l’ensemble de sa canopée lui permet d’économiser par an 33 398 391 livres sterling, soit l’équivalent de 39 millions d’euros.
La ville de Baltimore et ses 2,8 millions d’arbres
Baltimore 2 estime que :
Remplacer cette richesse reviendrait pour la collectivité à 3,4 milliards de dollars soit 5,5 milliards d’euros.
Cette ressource représente :
3,3 millions de dollars par an en économies d'énergie (en protégeant les bâtiments du soleil en été et en bloquant les vents froids d'hiver).
10,7 millions de dollars par an en stockant 527 tonnes de carbone.
3,8 millions de dollars par an en éliminant 700 tonnes de pollution atmosphérique.
1,6 million de dollars par an en éliminant 244 tonnes d'ozone, l'un des principaux facteurs contribuant à l'asthme.
Ces valeurs sont fournies pour au moins deux raisons : évaluer les bénéfices économiques de la nature afin de protéger la nature en ville, mais aussi engager des projets de plantations.
Pour conclure, il est quasiment impossible d’attribuer un prix à notre environnement comme nous pourrions l’attribuer à un produit manufacturé. Cependant comme on peut le voir, apporter une estimation aux services rendus par la nature pourrait bien inciter les politiques, entreprises et citoyens à mettre un ordre de grandeur aux bénéfices rendus par la nature, afin de tenter de la protéger.
Affaire à suivre...
Et aussi…
🌳 L'architecture pour créer des espaces de vie et espaces de nature : Le Pocket Park est conçu comme un espace de passage et de rencontre. Son revêtement paramétrique évolue en fonction des zones d'utilisation, allant des passages piétons aux espaces dédiés aux arbres. La transformation de la simple place pavée en un îlot verdoyant est rendue possible grâce à des algorithmes automatisés, qui prennent en compte le flux de piétons, les zones de repos et l'emplacement des arbres. Cette approche permet de concilier la présence d'arbres et les voies de circulation piétonne, créant ainsi un lien harmonieux entre l'architecture et la nature. La réalisation a été effectuée par Bryum… Superbe !
🚗“La guerre contre les automobilistes est utilisée comme un outil populiste par la sphère politique”. Voilà ce qu’entend faire valoir dans son travail photographique l’artiste Kyle Branchesi. En transformant les monuments britanniques tels que Stonehenge en domaines dominés par les véhicules, il souligne l'absurdité et le danger de privilégier les gains politiques court-termistes, au détriment de la planification urbaine durable. Il remet en question ce récit, qui privilégie le fait de posséder une voiture aux dépens de la santé publique et de l’environnement.
🌿 Connaissez-vous le biochar ? La perméabilisation des sols urbains peut être envisagée de deux façons : la végétalisation et la mise en place de matériaux drainants. Et par exemple, le biochar est issu de résidus organiques tels que les déchets verts ou forestiers. Chauffé dans des conditions de faible oxygène, il est un matériau avec de nombreux avantages (la rétention d'eau, l'amélioration de la structure du sol, la purification de l'eau). Sa production en ville constitue une ressource précieuse pour la gestion des déchets et la restauration des sols urbains. Une solution pour désimperméabiliser nos sols et mieux se parer aux inondations ?
Dans une précédente édition
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